
Favoriser l’adoption du Cloud en France
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Le cloud est aujourd’hui une brique essentielle de la transformation numérique. Pourtant, la France accuse un retard préoccupant dans son adoption, en particulier dans le secteur public et les industries sensibles. Pour rester souveraine et compétitive, elle doit structurer une stratégie offensive en matière de cloud de confiance.
Un levier numérique encore sous-exploité
Le cloud est devenu le socle des technologies émergentes : intelligence artificielle, cybersécurité, big data, objets connectés. Il permet flexibilité, performance, mutualisation des ressources et économie d’échelle. Pourtant, son adoption reste contrastée en France. Seules 19 % des administrations et 24 % des PME y ont pleinement recours, contre près de 40 % en Allemagne.
Plusieurs freins persistent : manque de lisibilité de l’offre, préoccupations juridiques et souveraineté des données, complexité des migrations, dépendance aux grands fournisseurs américains (hyperscalers). La crainte d’une perte de contrôle, notamment dans les secteurs critiques (santé, défense, énergie), ralentit la transition vers le cloud.
Cette situation crée une double vulnérabilité : un retard de compétitivité face aux économies numérisées, et une dépendance technologique accrue à des acteurs extraterritoriaux soumis à des législations étrangères (Cloud Act, FISA). En matière de souveraineté numérique, le cloud est devenu un champ de bataille stratégique.
Vers une stratégie cloud souveraine, lisible et ambitieuse
La France doit adopter une posture claire : favoriser l’adoption massive d’un cloud de confiance, fondé sur des critères de sécurité, de transparence, de réversibilité et de gouvernance européenne. Cela suppose d’abord de clarifier le paysage de l’offre, en s’appuyant sur des labels comme SecNumCloud et en créant une cartographie nationale des fournisseurs qualifiés.
Le rôle de la commande publique est central : en orientant ses appels d’offres vers des solutions conformes aux exigences de souveraineté, l’État peut créer un effet d’entraînement pour l’ensemble de l’écosystème. À date, seuls 10 % des marchés publics intégreraient des critères relatifs au cloud souverain.
Il faut aussi accélérer la formation des décideurs et DSI à ces enjeux. De nombreux freins sont liés à une méconnaissance des solutions disponibles ou à des craintes infondées. Une acculturation numérique des responsables publics et privés est indispensable pour sécuriser les transitions.
Sur le plan industriel, la France dispose d’acteurs performants – OVHcloud, Outscale, Cleaq – mais qui peinent encore à atteindre la taille critique. Un soutien ciblé (fonds, co-innovation, garanties d’État) est nécessaire pour faire émerger des champions régionaux capables de concurrencer les hyperscalers sur des marchés spécifiques.
Enfin, la stratégie nationale doit s’inscrire dans une ambition européenne : mutualisation des investissements, harmonisation des exigences, et création d’un cadre réglementaire commun autour du projet Gaia-X. Le cloud souverain ne peut être une initiative isolée, mais bien un pilier d’un numérique autonome, durable et éthique.
Reprendre la main sur le numérique stratégique
Le cloud n’est pas une simple infrastructure IT : c’est un actif stratégique. Sa maîtrise conditionne l’indépendance des États, la sécurité des données, la compétitivité des entreprises et la résilience des services publics.
La France a les talents, les technologies et la volonté politique. Encore faut-il traduire cette ambition en actions coordonnées, structurantes et lisibles. Le temps du cloud souverain n’est plus à la réflexion, mais à l’exécution.