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La cybersécurité, préalable à toute souveraineté économique

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La souveraineté numérique passe par une cybersécurité solide, nationale et intégrée. À l’heure d’une explosion des menaces, la France doit assumer une stratégie industrielle ambitieuse pour faire émerger une filière européenne forte, former les talents et renforcer la confiance dans ses propres solutions.

La cybersécurité, enjeu transversal de souveraineté et de compétitivité

La cybersécurité est aujourd’hui la condition de fonctionnement de toutes les entités publiques et privées. Face à l’explosion des cyberattaques (+400 % en France entre 2020 et 2021), la protection des systèmes d’information est devenue un enjeu régalien. La France est le 4e pays le plus ciblé au monde.

Les chaînes de valeur industrielles, les données sensibles et la continuité des services publics dépendent directement de cette résilience numérique. La cybersécurité est ainsi à la fois une brique de souveraineté et un levier économique majeur : elle génère 14,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 5 milliards à l’export, et emploie plus de 70 000 personnes en France.

Un écosystème dynamique existe déjà : grands groupes (Thales, Orange Cyberdéfense), PME innovantes (Olvid, Tehtris), et initiatives publiques (ANSSI, Campus Cyber). Pourtant, le recours à des solutions étrangères reste encore trop répandu, y compris dans les achats publics.

En parallèle, la filière peine à combler ses besoins en compétences : 15 000 postes sont non pourvus. L’attractivité des métiers, la structuration des formations et la sensibilisation dès le plus jeune âge sont devenues des priorités nationales.

Déployer une stratégie industrielle et éducative du cyber souverain

Face à ce constat, plusieurs leviers structurants doivent être activés pour bâtir une cybersécurité souveraine, compétitive et durable.

Premièrement, la commande publique doit être utilisée comme levier stratégique. L’instauration d’un Buy European Act numérique, orientant les achats vers des solutions françaises et européennes, permettrait d’accélérer la montée en puissance des acteurs locaux. Ce principe vaut aussi pour les grandes entreprises, dont la politique d’achat IT doit intégrer des critères de souveraineté.

Ensuite, le cadre réglementaire européen doit être consolidé. Il faut systématiser la prise en compte de l’origine technologique dans les textes comme la directive NIS 2 ou le Cyber Resilience Act. De même, l’interopérabilité des normes et la convergence des référentiels sont essentiels pour crédibiliser une offre européenne commune.

Le capital humain constitue l’autre pilier : il faut initier les élèves au code et aux enjeux cyber dès le primaire, renforcer la formation continue, labelliser les cursus privés et encourager les reconversions professionnelles. Une « culture du cyber » doit irriguer les entreprises comme les administrations, à l’instar de ce que la RSE a permis en une décennie.

Enfin, il est nécessaire de bâtir une offre cyber made in Europe, clairement identifiée. Cela passe par un catalogue unique de solutions souveraines, promu et accessible, intégrant des cas d’usage concrets et certifié par des acteurs reconnus comme l’ANSSI ou l’Alliance pour la confiance numérique.

Le financement reste un point clé : les fonds publics doivent être doublés dans France 2030, et des véhicules européens de corporate venture dédiés au cyber doivent émerger pour permettre à nos acteurs de franchir les seuils critiques.

Pour une souveraineté numérique offensive et assumée

La cybersécurité n’est plus un simple enjeu technique : elle est un enjeu de souveraineté, de compétitivité et de résilience collective. L’Europe ne peut pas prétendre à l’autonomie stratégique sans une maîtrise de ses technologies critiques. Cela suppose de sortir de la logique défensive pour adopter une posture offensive, pragmatique et coopérative.

La France a les talents, les outils et les entreprises. À elle de créer les conditions d’une puissance numérique ancrée, ambitieuse et souveraine.