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Le médicament, principe actif de souveraineté et d’innovation

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le médicament, principe actif de souveraineté et d'innovation

Entre pénuries persistantes, course mondiale à l’innovation thérapeutique et regain de conscience post-Covid, le médicament s’impose comme un enjeu stratégique central. Face à une double concurrence américaine et asiatique, la France et l’Europe doivent accélérer la réindustrialisation pharmaceutique, simplifier leur environnement réglementaire et valoriser pleinement leurs atouts en matière de R&D. L’avenir de notre souveraineté sanitaire s’écrira à la croisée de l’innovation, de l’investissement et de la résilience industrielle.

Une industrie clé, en mutation, à la croisée des pressions mondiales

Avec 130 000 emplois, 63 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et une place de leader en R&D européenne, l’industrie pharmaceutique française est un pilier de notre tissu productif. Mais elle fait face à une érosion industrielle inquiétante : en 20 ans, la France est passée du premier au cinquième rang des producteurs européens. En cause : retard technologique, fiscalité spécifique, compétitivité affaiblie, et une valorisation insuffisante du “Made in France”.

Les pénuries de médicaments, désormais structurelles, témoignent de la fragilité de notre chaîne de valeur. Les principes actifs sont massivement produits en Asie, tandis que les sites européens se concentrent sur la formulation finale. Cette dépendance expose à des ruptures, malgré des obligations réglementaires croissantes (plans de gestion des pénuries, stocks de sécurité…).

Le secteur souffre également de délais réglementaires trop longs et d’une régulation des prix jugée dissuasive. Si le CEPS a maîtrisé les dépenses, il peine à garantir l’approvisionnement ou à soutenir l’innovation. À l’inverse, des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni affichent une meilleure réactivité administrative, favorisant les investissements industriels.

Vers une stratégie de reconquête souveraine et d’innovation intégrée

Pour retrouver sa place dans la chaîne de valeur mondiale, la France doit activer plusieurs leviers coordonnés :

  • Renforcer l’aval industriel : modernisation des sites, soutien à la bioproduction, montée en puissance des ETI innovantes. Le plan France 2030 prévoit déjà 7 Md€ pour soutenir ces transformations.
  • Favoriser l’amont de la R&D : malgré une excellence en recherche fondamentale, la valorisation reste faible (Paris 16e mondiale en dépôts de brevets). Il s’agit de mieux accompagner les chercheurs vers l’industrialisation, et de mobiliser investisseurs privés et grands groupes européens.
  • Structurer un cadre réglementaire pro-innovation : l’AIS (Agence de l’Innovation en Santé) pourrait devenir une véritable AIS2, dotée d’un pouvoir de dérogation et d’un rôle de “guichet souverain” pour l’innovation.
  • Soutenir la digitalisation et les outils souverains : IA appliquée à la recherche clinique, cloud santé, diagnostic personnalisé… Ces innovations nécessitent une maîtrise européenne des données et des technologies associées.
  • Adapter la régulation des prix : intégrer l’origine européenne, la résilience industrielle et les bénéfices médico-économiques dans les mécanismes de fixation tarifaire.

Le plan d’action inclut également la création d’un Plan épargne innovation, un fonds souverain pour les biothérapies, et l’alignement fiscal avec le droit commun pour encourager l’investissement.

Refaire de la santé un socle de puissance et d’indépendance

La santé est un bien stratégique, au cœur des attentes citoyennes et des enjeux de souveraineté. Pour la France, il ne s’agit plus seulement d’éviter les pénuries, mais de redevenir une nation qui découvre, produit et exporte des traitements de rupture.

Cela suppose un changement de paradigme : mieux valoriser l’innovation, simplifier les règles, attirer les talents, investir dans l’outil industriel, et construire des coalitions industrielles fortes. Le médicament n’est pas une dépense : c’est un investissement dans la souveraineté et dans la puissance économique de demain.