
Les infrastructures numériques, un socle d’autonomie stratégique à consolider pour la France et l’Europe
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Alors que le numérique structure désormais tous les secteurs stratégiques – santé, défense, éducation, économie – la maîtrise des infrastructures numériques devient une condition de souveraineté. Face à la domination technologique américaine et chinoise, la France et l’Europe doivent accélérer pour bâtir des infrastructures souveraines, résilientes et compétitives.
Un écosystème européen encore largement dépendant
Le numérique européen repose sur des fondations encore largement étrangères. En 2022, les hyperscalers américains contrôlaient près de 80 % du marché du cloud en Europe. Cette dépendance n’est pas qu’économique : elle expose nos données aux législations extraterritoriales comme le Cloud Act américain.
Les câbles sous-marins, les datacenters, les logiciels, les terminaux – jusqu’aux terres rares qui composent nos équipements – sont majoritairement produits ou contrôlés hors d’Europe. En parallèle, l’effort de recherche et développement européen décroît : la France ne représente plus que 2 % des investissements numériques mondiaux.
Cette fragilité technologique a des effets systémiques : vulnérabilité aux cyberattaques, incapacité à imposer des standards, difficulté à sécuriser les données sensibles. Même les projets de cloud souverain peinent à se libérer totalement de technologies étrangères, posant la question de l’efficacité réelle des initiatives européennes actuelles.
Reprendre la main par la stratégie, l’investissement et la confiance
Pour sortir de cette dépendance, la souveraineté numérique doit être pensée comme un projet stratégique d’investissement, de régulation et de montée en compétences. Le plan France 2030 en constitue une première brique, en fléchant 54 milliards d’euros vers des technologies clés : cloud, IA, cybersécurité, 5G, quantique.
Mais les montants ne suffisent pas. Il faut une transformation culturelle : accepter le risque, soutenir l’innovation de rupture, faire émerger des acteurs européens de taille intermédiaire, et mobiliser la commande publique comme levier de souveraineté. À ce jour, seulement 18 % des marchés publics numériques en France favorisent des solutions souveraines.
La cybersécurité est un chantier prioritaire. Les hôpitaux, collectivités et entreprises stratégiques sont en première ligne des cybermenaces. Des dispositifs comme le Cyberscore, les offres d’hébergement de données certifiées ou les coopérations européennes en matière de cyberdéfense sont essentiels pour instaurer la confiance.
Enfin, la connectivité doit être pensée comme un droit fondamental. Le déploiement de la fibre, de la 5G et bientôt de la connectivité satellitaire – avec la constellation européenne Iris – est indispensable pour éviter une fracture numérique territoriale durable.
Une souveraineté numérique construite, pas subie
La souveraineté numérique ne consiste pas à tout produire soi-même, mais à ne plus dépendre structurellement d’acteurs extérieurs pour ses fonctions critiques. Elle repose sur une stratégie de long terme, une volonté politique forte, des alliances européennes solides, et une capacité à faire émerger des champions technologiques.
L’Europe a les talents, les capacités d’investissement et les valeurs pour proposer une autre voie numérique : plus éthique, plus durable, et plus résiliente. Encore faut-il bâtir ses fondations technologiques à partir de ses propres choix.