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L’industrie de défense, outil de puissance et de souveraineté de la France

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La Base industrielle et technologique de défense (BITD) française est un pilier de souveraineté nationale et européenne. Face à la montée des tensions géopolitiques et à une concurrence mondiale exacerbée, préserver et renforcer cette industrie est devenu un impératif stratégique, économique et politique.

Une industrie stratégique sous pression

La BITD française repose sur un écosystème dense : une dizaine de grands groupes, plus de 4 000 PME – dont 450 stratégiques – et 200 000 emplois non délocalisables. Avec 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires, elle contribue positivement à la balance commerciale et fait de la France le troisième exportateur mondial de matériels de défense, derrière les États-Unis et la Russie.

Pourtant, cette industrie évolue dans un environnement de plus en plus contraint. L’Europe peine à construire une véritable BITD intégrée. Les divergences entre États membres, illustrées par les tensions franco-allemandes autour des programmes SCAF (système de combat aérien du futur) et MGCS (char du futur), freinent les projets communs. En parallèle, les États-Unis dominent le marché mondial (39 % des exportations d’armement), tandis que la Chine, la Turquie ou Israël développent des capacités croissantes.

La guerre en Ukraine a révélé les limites d’un outil industriel dimensionné pour une économie de paix. La France doit désormais passer en « économie de guerre », capable de répondre rapidement à des besoins massifs en équipements, tout en affrontant la volatilité des coûts et la tension sur les matériaux critiques.

Relancer les investissements, les compétences et la coopération

Le budget de la défense connaît une hausse significative : 44 milliards d’euros en 2023, avec un objectif de 50 milliards en 2025 selon la Loi de programmation militaire (LPM). Mais cet effort financier doit s’accompagner d’une politique industrielle ambitieuse : soutien à la R&D, financement des PME/ETI innovantes et modernisation des chaînes de production.

La question des compétences est cruciale. De nombreux métiers techniques (soudage, chaudronnerie, électromécanique) manquent de profils qualifiés. Relancer des filières de formation spécialisées, valoriser l’alternance et créer une réserve industrielle de défense pourraient répondre à ce déficit de talents.

Sur le plan européen, la coopération reste un défi stratégique. Les projets communs doivent s’appuyer sur une vision politique claire, une harmonisation des besoins opérationnels et une gouvernance industrielle fondée sur l’excellence (« best athlete »). Des exemples réussis comme le programme CaMo avec la Belgique montrent que des partenariats efficaces sont possibles.

Enfin, la BITD souffre d’une frilosité bancaire liée aux critères ESG qui écartent parfois la défense des financements considérés comme « durables ». Il est indispensable de rappeler qu’il n’y a pas de durabilité possible sans sécurité et que la défense reste une condition de la stabilité économique et sociétale.

L’industrie de défense, un enjeu de puissance nationale et européenne

La souveraineté militaire repose sur une industrie de défense robuste, innovante et financée à la hauteur des enjeux. Dans un contexte international de réarmement, la France doit protéger ses savoir-faire, soutenir ses entreprises stratégiques et s’engager dans une coopération européenne réaliste et ambitieuse.

La BITD n’est pas seulement un secteur industriel : elle est une force d’influence, de puissance et de résilience. En l’absence d’un tel outil, l’Europe resterait dépendante des décisions et technologies d’acteurs étrangers.