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Préserver notre industrie de défense

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préserver notre industrie de défense

Dans un monde confronté au retour des conflits de haute intensité, à la fragmentation géopolitique et aux menaces hybrides, la souveraineté militaire repose plus que jamais sur la vitalité de l’industrie de défense. Préserver et renforcer cet écosystème est devenu un impératif stratégique, économique et politique pour la France et pour l’Europe.

Une base industrielle stratégique en mutation rapide

L’industrie de défense française, forte de plus de 200 000 emplois, 4 000 entreprises et un tissu d’ETI spécialisées, constitue une colonne vertébrale de la souveraineté nationale. Elle irrigue l’économie des territoires, soutient l’innovation duale (militaire et civile) et renforce l’influence géopolitique française.

Cependant, cette base industrielle est sous pression. Les conflits récents – Ukraine, Moyen-Orient – ont révélé l’insuffisance des stocks, la lenteur des cadences de production et la fragilité des chaînes d’approvisionnement. La réorientation vers une “économie de guerre”, annoncée par les autorités, peine encore à se matérialiser à l’échelle nécessaire.

La dépendance à certaines technologies critiques (composants, matières premières, logiciels) demeure élevée. Par ailleurs, le marché européen souffre de la fragmentation des besoins, du manque de standardisation et de la concurrence entre États, ce qui freine l’émergence de véritables champions européens.

Enfin, les critères ESG, mal calibrés, tendent à exclure les acteurs de défense des financements publics ou bancaires, mettant en péril l’investissement dans l’innovation et la montée en gamme industrielle.

Investir dans la résilience, l’innovation et la coopération européenne

Pour bâtir une industrie de défense à la hauteur des défis contemporains, trois priorités doivent structurer l’action publique et privée :

  1. Renforcer l’autonomie industrielle : il est indispensable de sécuriser l’accès aux composants critiques, de relocaliser certaines productions stratégiques, et de diversifier les fournisseurs. Cela suppose une planification étatique, des partenariats industriels durables, et des outils financiers adaptés.
  2. Stimuler l’innovation duale : l’innovation militaire irrigue de nombreux secteurs civils (matériaux, IA, cybersécurité, spatial). Il faut structurer des pôles de R&D, faciliter les transferts technologiques et garantir des cycles de financement longs. L’industrie de défense doit être pleinement intégrée dans les grands programmes comme France 2030.
  3. Faire émerger une BITD européenne : malgré les divergences politiques, des coopérations concrètes (CaMo, MGCS, SCAF) peuvent créer un socle commun de capacités et de normes. L’Union européenne doit assumer une politique industrielle de défense à part entière, en lien avec les impératifs stratégiques de l’OTAN mais en capacité d’autonomie.

Le rôle des territoires est également clé. Les bassins industriels de défense concentrent des savoir-faire uniques. Ils doivent être soutenus via des politiques de formation, des incitations à l’emploi local et des mécanismes de résilience économique.

Une industrie de défense forte, clef de la souveraineté nationale

Il n’y a pas de puissance stratégique sans une industrie de défense souveraine, robuste et innovante. La France dispose d’un socle exceptionnel de compétences, d’entreprises et de technologies, mais doit agir rapidement pour consolider cette avance.

Investir dans l’industrie de défense, c’est investir dans la sécurité, la compétitivité et la capacité d’influence de la Nation. Face à un monde instable, c’est aussi un choix de responsabilité.