
Quelles pistes pour une réindustrialisation de la France ?
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La crise sanitaire a révélé la vulnérabilité industrielle de la France. Dépendance aux importations, perte d’emplois, déséquilibres territoriaux : l’affaiblissement du tissu productif menace la souveraineté nationale. Il est temps d’opérer un sursaut stratégique, fondé sur la relance de l’industrie, l’ancrage territorial et l’innovation responsable.
Une désindustrialisation coûteuse pour l’économie et la souveraineté
La France a vu son industrie chuter de 23 % du PIB en 1980 à 13 % en 2019. Cette érosion a entraîné la perte de 2,2 millions d’emplois, un déficit commercial structurel (–84,7 Mds € en 2021) et une dépendance accrue aux chaînes d’approvisionnement étrangères. En comparaison, l’Allemagne ou l’Italie ont su préserver un socle industriel robuste, garant d’emplois, d’exportations et d’innovation.
Ce déclin repose sur un mythe désormais dépassé : celui de « l’économie sans usines ». La crise du Covid-19 l’a brutalement réfuté, avec des pénuries massives de produits médicaux, électroniques ou énergétiques. La désindustrialisation est aussi un facteur de fracture sociale : l’emploi industriel reste un puissant levier de cohésion et d’équilibre territorial, en particulier pour les zones hors métropole.
Les causes sont multiples : fiscalité trop lourde sur le foncier et la production, trappes à bas salaires décourageant la montée en compétences, modernisation insuffisante des outils productifs, manque d’attractivité des métiers industriels et sous-investissement dans les ETI, pourtant essentielles à la structuration territoriale.
Pour une renaissance industrielle fondée sur l’ancrage, l’innovation et la formation
Réindustrialiser, c’est d’abord créer un environnement favorable. Cela passe par une fiscalité adaptée : allègement des impôts de production (notamment la C3S), fusion CFE/taxe foncière, exonérations sociales étendues au-delà de 1,4 SMIC. Il s’agit aussi de sanctuariser le pacte Dutreil pour favoriser l’ancrage familial des entreprises dans les territoires.
L’État doit aussi favoriser l’émergence d’un tissu d’ETI industrielles, maillon manquant entre les grandes entreprises et les PME. Ces structures, plus résilientes et créatrices d’emplois locaux, sont aussi des vecteurs de modernisation. Un nouveau programme « Industrie du futur II » pourrait soutenir la digitalisation, l’automatisation et la décarbonation des sites industriels.
L’enjeu environnemental est central : l’industrie française a réduit de 56 % ses émissions de gaz à effet de serre depuis 1990, mais devra accélérer encore pour atteindre la neutralité carbone. Cela suppose de soutenir le recyclage, la chaleur décarbonée, et l’économie circulaire.
La formation, enfin, est la clé de voûte de la réindustrialisation. Face aux pénuries de main-d’œuvre, l’alternance doit devenir la voie standard, du CAP au Bac+5. Il faut rendre les filières industrielles plus attractives, dès le collège, en valorisant les métiers, les passerelles et les parcours territoriaux. Des dispositifs comme le VTE ou les écoles de la 2e chance doivent être renforcés, tout comme la certification rapide des formations internes.
L’industrie, pilier d’une souveraineté économique retrouvée
Réindustrialiser la France, ce n’est pas revenir au passé, mais construire un futur solide, résilient et compétitif. C’est garantir la capacité du pays à produire, innover, exporter, et répondre aux défis géopolitiques, climatiques et sociaux. C’est aussi redonner sens au travail industriel, en lui offrant les conditions d’un ancrage durable dans les territoires.