
Souveraineté post-fossile : quelles énergies pour demain ?
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La transition énergétique est désormais une question de souveraineté stratégique. Face à la montée des tensions géopolitiques, à l’urgence climatique et à la dépendance aux énergies fossiles, la France et l’Europe doivent accélérer une mutation vers un mix énergétique décarboné, pilotable et résilient. L’heure est venue d’assumer une stratégie industrielle ambitieuse, structurée autour de l’innovation, de la diversification des sources, et de la coopération européenne.
Diversifier et décarboner : la nouvelle équation énergétique
La guerre en Ukraine et la pandémie de Covid-19 ont remis la question énergétique au cœur des enjeux de puissance. En parallèle, l’urgence climatique impose une transition rapide vers la neutralité carbone. Ce double impératif – autonomie et décarbonation – complexifie la donne. Le défi est immense : l’énergie représente 73 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, tandis que la demande continue de croître.
Dans ce contexte, les énergies renouvelables et bas carbone apparaissent comme des solutions d’avenir. L’éolien, le solaire, la géothermie, la biomasse et l’hydroélectricité s’imposent dans les politiques énergétiques nationales, complétés par l’atout stratégique du nucléaire et par le développement de l’hydrogène vert. Ces leviers doivent être intégrés dans un mix énergétique cohérent, pilotable et adapté aux réalités territoriales. La France affiche un taux d’intensité carbone parmi les plus faibles d’Europe grâce à sa part élevée de nucléaire soit 63,6 % de la production électrique nationale.
Mais chaque énergie présente des limites : intermittence des renouvelables, dépendance technologique pour les électrolyseurs d’hydrogène, tension sur les ressources critiques comme le lithium. La mise en œuvre d’une stratégie énergétique efficace exige des investissements massifs, une gouvernance renforcée, et une approche territorialisée.
Coopérations, compétitivité et souveraineté : l’Europe à l’épreuve de la transition
Face à la domination technologique de la Chine et aux vastes plans de relance américains comme l’Inflation Reduction Act, l’Union européenne doit faire émerger une réponse compétitive. La stratégie REPowerEU, les objectifs de production d’énergies renouvelables portés à 45 % en 2030, ou encore la création d’une Banque européenne de l’hydrogène marquent un tournant. Mais les divergences entre États membres freinent l’ambition collective, en particulier autour de l’énergie nucléaire.
La question de l’hydrogène illustre bien ces tensions. Tandis que la France mise sur une production nationale bas carbone, l’Allemagne diversifie ses fournisseurs, au risque de créer de nouvelles dépendances. Dans ce contexte, la relance du nucléaire civil français devient un pilier incontournable de la souveraineté énergétique. Parallèlement, le développement des filières industrielles de l’hydrogène, du recyclage énergétique des déchets ou de la valorisation du lithium européen ouvre des perspectives stratégiques.
L’Union européenne devra donc renforcer ses mécanismes de coordination, mobiliser des financements plus accessibles, et garantir une neutralité technologique réelle dans ses appels à projets. L’enjeu est de bâtir un socle énergétique commun, fondé sur des coopérations industrielles, des filières d’excellence, et des investissements durables.
Une souveraineté énergétique à construire collectivement
La transition post-fossile ne peut se résumer à une addition de solutions techniques. Elle appelle une vision politique et stratégique partagée, qui articule compétitivité, sécurité d’approvisionnement, et ambition climatique. Le Pacte vert européen constitue une première réponse, mais il devra intégrer davantage les réalités économiques et territoriales. En mobilisant les acteurs publics, privés et académiques, la France et l’Europe peuvent transformer cette contrainte en levier d’innovation, de résilience et de souveraineté.