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Une IA à la Française ? Bilan et perspectives pour 2024

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une ia à la française

L’année 2023 a marqué une accélération historique de l’intelligence artificielle, portée par l’essor des modèles génératifs. Si les États-Unis dominent encore la course, la France ambitionne de bâtir une IA souveraine, éthique et compétitive. Recherche, startups, puissance de calcul, régulation : la réussite du modèle français dépend de sa capacité à allier excellence scientifique, vision industrielle et adhésion collective.

Une dynamique nationale solide face à la compétition mondiale

Portée par des fleurons comme Mistral AI ou Kyutai, la France dispose d’un écosystème d’intelligence artificielle en pleine effervescence. En 2023, plus de 3,2 milliards d’euros ont été levés par les startups IA françaises, et 590 structures y placent l’IA au cœur de leur modèle. L’Hexagone compte aussi 81 laboratoires d’IA, un record européen.

Mais le retard demeure face aux géants américain et chinois. En matière d’investissements cumulés (2013–2022), la France n’arrive qu’en 8e position mondiale. Le recrutement de talents, la disponibilité des données francophones et l’accès aux ressources de calcul constituent des défis majeurs.

La France s’appuie néanmoins sur une stratégie nationale structurée (2018–2025), renforcée par France 2030 et 500 M€ d’investissements supplémentaires annoncés pour les IA-clusters. Le CNRS, l’INRIA, la Sorbonne ou encore l’ENS Saclay forment les piliers scientifiques du modèle français.

L’enjeu désormais : industrialiser ces atouts, et faire émerger des champions capables de rivaliser dans la course aux usages et aux modèles fondamentaux.

Construire une IA souveraine et inclusive, au service de l’intérêt général

Le développement d’une IA française ne peut s’envisager sans un ancrage dans les valeurs républicaines et européennes. Pour cela, plusieurs axes prioritaires émergent :

  • Souveraineté technologique : accélérer la production de données francophones, développer des datacenters et un cloud européen, sécuriser l’accès à l’électricité et à la puissance de calcul, favoriser les semi-conducteurs européens.
  • Compétitivité des startups : lever les freins d’accès aux grands comptes et aux marchés publics, créer un cadre fiscal incitatif, améliorer la mise à l’échelle des projets deeptech.
  • Éducation et formation : généraliser la formation continue à l’IA, lutter contre les freins culturels en entreprise, et intégrer l’IA dès l’école pour préparer les citoyens aux mutations de demain.
  • Régulation responsable : adopter une approche ciblée, régulant les usages à risque sans brider l’innovation. La France défend une ligne « innover avant de réguler », en évitant les surtranspositions européennes.
  • Usage public stratégique : les administrations doivent devenir prescriptrices. L’IA peut transformer l’action publique (santé, éducation, services citoyens), à condition d’être coconstruite avec les acteurs privés dans des cadres de confiance.

Le modèle français de l’IA ne sera pas une simple déclinaison technologique. Il doit devenir une incarnation de nos choix démocratiques, de notre puissance scientifique et de notre capacité d’industrialisation.

De l’exception française à la référence mondiale ?

Faire émerger une IA à la française, c’est se donner les moyens de peser dans un monde façonné par les algorithmes. C’est aussi répondre aux enjeux de souveraineté, de justice sociale, et de compétitivité.

Dans cette course mondiale, la France ne peut jouer que si elle accélère l’investissement, libère ses forces vives, et propose une alternative crédible aux modèles dominants. Une IA souveraine ne se proclame pas : elle se bâtit collectivement, entre chercheurs, entrepreneurs, décideurs et citoyens.